page suivante »
284 LA BOUCLE D'OR retourner au travail de la terre et que sa famille, non sans raison, ne voyait pas dans le métier de musicien un gagne- pain bien assuré, il lui fallut entrer dans une maison de commerce. André lit de la musique à ses moments perdus ; pour oser davantage, il lui manquait la foi. L'infortuné grossit ainsi le nombre plus considérable qu'on croit, des mal- heureux qui s'épuisent à nourrir un double être en leur sein. Avec le temps, il eut maison à lui et se maria, fit faillite, devint veuf et partit, comme je l'ai dit, avec une chanteuse, Olympe Fanta, raccollée dans un café où il tenait un pupitre de second violon. * * L'unique enfant que lui avait laissé sa femme, Jean, avait été recueilli, à la mort de sa mère, par les grands-parents de Poleymieux. Mais l'insuccès du père avait épuisé les ressources des pauvres vieux dont les biens étaient rongés par l'hypothèque. Il fallait un métier à Jean; puisqu'il était trop délicat pour aller en service, on en fit un tisseur. C'est dans cette condition que je le connus. D'un naturel doux et aimant, il était resté attaché à son premier maître, M. Jauffrey, chef d'atelier aisé, à la tête de six métiers fabriquant pour son compte, et petit propriétaire comme beaucoup de tisseurs lyonnais. Sa femme témoignait, à première vue, d'une éducation bien au-dessus de son état. Mme Jauffrey était, en effet, la fille d'un vieux prêtre, retiré du ministère. On racontait qu'entré dans les ordres