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DE PUVIS DE CHAVANNES 253 l'hallucination (3). N'est pas séraphique qui veut. Quoi de plus naturel au contraire que la peinture de Puvis de Chavannes ? Dans ses personnages l'attitude et le geste sont toujours d'une parfaite vérité, point de ces tournures de poseurs d'atelier ou d'acteurs qui nous viennent d'Italie, de Bologne surtout, et que nos artistes dits classiques se trans- mettent d'âge en âge. Ses arbres sont réels; le saule sous lequel se lamente Desdémone dans le Bois sacré est le saule par excellence; les cyprès de l'Inspiration chrétienne sont des cyprès vivants et non des végétaux du paysage appelé historique ; comme les boucs et les chèvres de la Vision antique donnent l'idée de l'espèce autrement que les mêmes animaux automates de Brascassat par exemple, qu'on peut voir à deux pas de là dans les Musées, Enfin Puvis de Cha- vannes, loin de copier les primitifs avec lesquels il n'a de commun que la sainte simplicité, est de son temps, car à tout prendre ses réelles supériorités se trouvent dans le paysage, qui est la gloire et la nouveauté de la peinture de ce siècle, et dans l'harmonie, qui rattache la peinture à la musique,, c'est-à -dire à l'art préféré et inférieur de l'épo- que. Puvis de Chavannes, tout en restant très personnel, tient de Corot, de Laprade, et du meilleur musicien qu'il vous plaira de nommer. (3) Dante Rossetti, qui est mort il y a quelques années, a encore ses fanatiques; une de ses toiks s'est vendue récemment à Londres, trois mille livres sterling, soit soixante quinze mille francs. Burn Jones, le chef présent de l'Ecole, n'a pas de moindres prétentions. Les estbetics, ainsi qu'on appelle d'un autre nom les préraphaélites, ont fait révolu- tion jusque dans la mode. Les femmes de la secte s'habillent à la Botti- cejli ou à la Lippi; tout cela a souvent excité la verve du journal satirique Punch, mais tend à disparaître.