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            ' LETTRE D'UN LYONNAIS D'ALGÉRIE              203

— les lecteurs de Lugdunensis, de Muller, de Girard, de
Valère, et de tant de pages modestement anonymes, vous y
virent briller, — tandis que moi, chétif, je m'exerçais avec
les recrues. Cette obscurité fut du moins traversée par un
rayon, quand Valère daigna encourager un premier effort
littéraire par des louanges trop faciles, qu'il m'est doux
aussi de remémorer.
    Elle a remué en effet, cette lecture de vos livres, toute
sorte d'impressions d'enfance qui me sont remontées dans
le cœur. Les plantes transplantées ont toujours quelques
fines radicelles, quelques ligaments ténus, sans cesse renais-
sants, qui s'agitent et tendent, par un instinct confus, vers
le terroir natal. Moi, rejeton repiqué parmi des espèces
exotiques, je sens ma pensée intérieure, cette conscience
en quelque manière organique, que les savants, dans leur
jargon, nomment la cœnesthésie, je la sens se tendre à
l'amour filial de la vieille cité embrumée et spumeuse où
se rattachent des souvenances qui la poignent délicieuse-
ment : si je vous disais que sous notre ciel de lapis, j'ai la
nostalgie du brouillard !
   Que vous avez bien expliqué et détaillé, Monsieur, toutes
ces choses que j'éprouve comme vous, et par où je me
découvre tant de points d'accord avec vous qu'il faut que
je vous remercie de m'en avoir fait apercevoir : car cela
me donne presque l'ambition de vous ressembler par quel-
ques côtés, à vous et à ceux, dont vous êtes l'un des der-
niers, qui n'ont point perdu le sens du beau nom <ïhonnête
homme.
   D'abord, vous aimez la province et vous chérissez les
traditions, qui sont le culte même de la province. Voilà la
moitié du secret de la sagesse propre à notre temps.
   Il se fait présentement un grand mouvement d'individua-