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l62 HISTOIRE DES DEUX ANTOINE N° 2. — Ponts tombés et ponts démolis. Les ponts que j'ai vu tomber ! Le pont suspendu en face du Palais du Justice, qui avait moins de dix ans, fut emporté par les inondations de no- vembre 1840. Les mauvaises langues disaient que ce pont était trop bas; son auteur, prétendait que la Saône était montée trop haut. Quoiqu'il en soit ce fut l'affaire de quelques minutes ; soulevé et roulé par les flots toujours croissants, le tablier se tordait comme un énorme serpent; les colon- nes s'écroulèrent avec fracas, et le pont n'était plus. Sous prétexte que son frère, homme sérieux, avait incontestablement inventé une des merveilles de notre époque, J. S. fit construire beaucoup de ponts suspendus ; quelques-uns sont parvenus, sans encombre, à leur majorité. Il avait la spécialité des travaux dits : trompe-l'œil', ce n'est point une médisance de le dire, puisqu'il le disait lui-même à tout venant. Il soutenait ouvertement qu'un entrepreneur de travaux publics avait assez fait, quand il avait fait juste recevoir ses travaux par l'État; pour lui, leur avenir n'allait pas au-delà du jour de l'inauguration. Ce qu'il y a de triste, c'est qu'il fit école et que ses élèves ont quelquefois réussi... a faire fortune; cela ne lui était pas le moins du monde arrivé. Ce pont du Palais n'était pas né viable : dans mon jour- nal de mission d'élève des Ponts-et-Chaussées en 1834, je l'avais admiré pour son ensemble extérieur et la hardiesse de ses gracieuses colonnes; en même temps je me faisais l'écho de tous les ingénieurs qui l'avaient vu construire et doutaient de sa durée. Mais incertitude des prévisions