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                 ET LA POÉSIE PHILOSOPHiaUE                        93
tifique, sans tour de force, en termes rigoureux et exacts,
célèbre la hardiesse de la tentative et en décrit les moyens :

        Ils montent, épiant l'échelle où se mesure
        L'audace du voyage au déclin du mercure,
        Par la fuite du lest au ciel précipités ;
        Et cette cendre éparse, un moment radieuse,
        Retourne se mêler à la poudre odieuse
        De nos chemins étroits que leurs pieds ont quittés (io).


   Mais la mort bravée par amour de la science, plus encore
que les vérités conquises, révèle, au nom de l'héroïsme
qu'elle atteste, un monde supérieur. Une foi, passagère
peut-être, s'éveille dans l'âme du poète en face du sacrifice
des aéronautes, et lui inspire des strophes qui sont parmi
les plus belles qu'il ait écrites :

        Mais quelle mort ! La chair, misérable martyre,
        Retourne par son poids où la cendre l'attire ;
        Vos corps sont revenus demander des linceuls;
        Vous les avez jetés, dernier lest, à la terre,
        Et, laissant retomber le voile du mystère,
        Vous avez achevé l'ascension tout seuls.

        Pensée, amour, vouloir, tout ce qu'on nomme l'âme,
        Toute la part de vous que l'infini réclame,
        Plane encor, sans figure, anéanti? Non pas !
        Tel un vol de ramiers que son pays rappelle
        Part, s'enfonce et s'efface en la plaine éternelle,
        Mais n'y devient néant que pour les yeux d'en bas.




  (10) Le Zénith, III, p. 254.