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94 SULLY-PRTJDHOMME Mourir où les regards d'âge en âge s'élèvent, Où tendent tous les fronts qui pensent et qui rêvent ! Où se règlent les temps graver son souvenir! Fonder au ciel sa gloire, et dans le grain qu'on sème Sur terre propager le plus pur de soi-même, C'est peut-être expirer, mais ce n'est pas finir (i i) ! Le poème des Deslins se rapproche de la préface du pre- mier livre de Lucrèce plus que ces nobles strophes où l'âme, dégagée de son enveloppe mortelle, semble entonner le bel hymne de Longfellow, Excelsior, pour s'élancer aux cieux. Le Bien et le Mal, dans les Destins, se disputent et notre terre et toute planète qui émane à la vie du sein du chaos où bouillonnaient ses premiers éléments. L'un et l'autre rêvent d'en faire la conquête, et la conclusion de cette lutte, c'est que le bien et le mal ne sont que deux faces, aussi l'on veut deux alternances d'un même développement. Je repousse à dessein le mot de progrès ; car je voudrais que ce terme impliquât toujours l'idée de liberté, et ce n'est qu'à regret que je le vois employé, je suis tenté de dire pro- fané, par ceux qui nient ce qu'il y a de plus essentiel à notre âme, le pouvoir de choisir librement le bien. Le poète recule un peu devant cette conclusion. On dirait qu'il laisse à l'âme une ombre de liberté ; comme celle du prison- nier de Chillon, dont lord Byron décrit les mouvements autour de la colonne où sa chaîne est rivée. C'est en ce sens qu'il dit à la nature : Eh bien j'imiterai ta sagesse sacrée, Et puisque tes arrêts, pour moi respectueux, M'ont laissé le vouloir qui choisit et qui crée, Je veux que mon effort se concerte avec eux... ( n ) Le Zénith, III, p. 260.