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88                     SULLY-PRUDHOMME

  La foi de l'enfance s'est éteinte :
        Je voudrais bien prier, je suis plein de soupirs!
        Ma cruelle raison veut que je les contienne.
        Ni les vœux suppliants d'une mère chrétienne,
        Ni l'exemple des saints, ni le sang des martyrs,

        Ni mon besoin d'aimer, ni mes grands repentirs,
        Ni mes pleurs n'obtiendront que la foi me revienne.
        C'est une angoisse impie et sainte que la mienne;
        Mon doute insulte en moi le Dieu de mes désirs.

        Pourtant, je veux prier, je suis trop solitaire.
        Voici que j'ai posé mes deux genoux à terre :
        Je vous attends, Seigneur ; Seigneur, êtes-vous là ?

        J'ai beau joindre les mains, et le front sur la Bible,
        Redire le Credo que ma bouche épela,
        Je ne sens rien du tout devant moi, c'est horrible (3) !

   A la place de ce Dieu qui s'est évanoui, le poète ne
trouve que l'univers avec ses lois inexorables et sa froide
majesté. Cependant, c'est ce monde admirable dont le Psal-
miste a dit : « due les cieux montrent la gloire de Dieu.
Cœli enarrant gloriam Dei (4). » Mais le penseur moderne,
dans ces lois astronomiques sur lesquelles ont compté jus-
qu'à ce jour les apologistes pour démontrer jusqu'à l'évi-
dence l'intervention d'une intelligence créatrice, ne voit
que la résultante fatale de bouleversements dont l'histoire
nous échappe. J'emprunterais volontiers à nos annales du
monde moderne une comparaison pour faire comprendre
cette théorie. De même qu'après les luttes sanglantes du
xvie siècle et les horreurs de la guerre de Trente ans, s'est


  (3) Épreuves, p. 22. La Prière-
  (4) Ps., xvm, 2.