Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                 ET LA POÉSIE PHILOSOPHIQUE                     89

établi entre les grands États de notre Occident un système
de pondération réciproque, qui résultait des vicissitudes de
tant de luttes, et qu'on aurait pu croire préconçu par la pru-
dence humaine, vu qu'il a sauvegardé les nations, pendant
un siècle ou deux, des invasions sans prétexte ou des con-
quêtes brutales; ainsi dans l'univers, après des chocs qui
ont dû pulvériser plus d'un monde, s'est établie une loi
d'équilibre dont la fixité nous ravit parce qu'il nous est
impossible d'en prévoir et d'en constater les déviations.
Ses bienfaits nous saisissent, parce que nous avons perdu
la trace des maux qui l'ont précédée. C'est une sorte de
trêve de Dieu imposée à l'univers, qui durera jusqu'à ce
qu'une cause plus forte en suspende les effets. Il faut en jouir
sans remords, de même qu'on peut l'accepter sans recon-
naissance ; car l'univers qui nous enchante n'a pas cons-
cience de sa splendeur, pas plus que la terre qui nous nourrit
ne sait qu'elle est notre bienfaitrice.
        Vous êtes ignorants comme moi, plus encore,
        Innombrables soleils? La raison de vos lois
        Vous échappe, et soumis, vous prodiguez sans choix
        Les vibrantes clartés dont l'abîme se dore.
        Tu ne sais rien non plus, rose qui vient d'éclore :
        Et vous ne savez rien, zéphyrs, fleuves et bois!
        Et le monde invisible, et celui que je vois,
        Ne savent rien d'un but et d'un plan que j'ignore.
        L'ignorance est partout, et la divinité,
        Ni dans l'atome obscur, ni dans l'humanité,
        Ne s'élève en criant : « Je suis et me révèle 1 »
        Étrange vérité, pénible à concevoir,
        Gênante pour le cœur, comme pour la cervelle,
        Que l'Univers, le Tout, soit Dieu sans le savoir (5).


 (5) Les épreuves, p. 12. Scrupule.