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LES MONUMENTS DES ARTS ^69 endroits, et même au carré de l'épicerie, à la place de Confort, des Cordeliers et aux deux bouts du pont de la Saône, avec un grand silence, ne permettant passerpersonne. Incontinent après la my-nuit, le capitaine print le corps de garde, lequel estoit posé au carré de l'épicerie et le mena sur les fossez, visitant sa compagnie, un pour un, et faisant changer d'armes à d'aucuns. Après les prières faites, les mypartit en deux bandes dont l'une passa par le carré de l'épicerie, tendant à Saint-Nizier, l'autre par la rue Longue, à costé dudit Saint-Nizier, là où trouvèrent la sentinelle de la ville qui leur lascha plusieurs coups de harquebuse, sans en toucher un, se retirant en vitesse vers leur corps de garde. Le capitaine des protestans fit suyvre de près, pour donner dedans, de sorte qu'ils se saisissent de la place Saint-Nizier où estoit assis ledit corps de garde, et conséquemment, en un môme moment, de la place des Cordeliers où estoit l'arsenac, de la place de Confort, ensemble des temples et de l'hostel de la ville, dans lequel il y avoit une compagnie de soixante soldats du purgatoire, sous la charge de Peirat. Et combien que iceux feissenttous leurs efforts à se défendre, tant avec harquebouzes à croc, desquelles ils estoient garnis à foison, que de pierres et gros pavez qu'ils levoient de la cour dudit hostel de ville, si est ce que les protestans fondez sur une si juste querelle, et plus façonnez aux armes qu'eux, leur feirent tête et gagnèrent le dessus ; car outre ce que les harquebouziers, pistoliers et picquiers faisoient le devoir de combattre, une partie d'eux montèrent au clocher de Sainct- Nizier que est vis à vis l'hostel de ville, d'où ils les escar- mouchèrent d'une si étrange façon, qu'ils se rendirent à mercy; qui fut telle que les soldats furent seulement dépouillez de leurs armes et prins prisonniers les capitaine, enseigne et lieutenant. Cela feit, les protestans feirent les prières, rendant grâces à Dieu de ceste heureuse victoire