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DEUX MOIS EN ESPAGNE 439 Il y eut surtout un pauvre cheval blanc qui se laissa dé- pecer pendant quatre ou cinq minutes avec un courage qui faisait bien mai à voir; s'apercevant que son cavalier ne faisait rien avec sa lance pour le défendre, et ne s'en ser- vait qu'à exciter le taureau à labourer ses entrailles, il essaya de se garantir avec les jambes de devant, le cavalier le tenant toujours tête au boeuf, mais dans cette condition la lutte était trop inégale avec les terribles cornes, en vain la foule le saluait de seî cris de : Bravo le cheval, il fallut avec un manteau détourner le taureau ; car, en s'acharnant sur la monture, il eût tué le cavalier, s'ils [eussent roulé tous les deux sur l'arène. Le taureau,par suite de la rage déployée, avait reconquis l'estime de l'assemblée, il avait jeté par dessus ses cornes, un autre cavalier et sa monture, aussi les gradins applau- dissaient à tout rompre. Bravo, bravo le taureau, criait-on de tous côtés, sans s'inquiéter si l'homme était vivant, mais l'espérant peut-être ? du moins j'aime à le croire. Quatre autres chevaux éventrés se débattaient autour de lui ; il était donc temps, et l'on donna par une fanfare le signal du troisième acte. Celui-ci a sur l'autre l'avantage d'être très court. Des jeunes gens armés de grands pieux de toutes les couleurs allèrent au taureau qui baissa la tête pour les charger ; ils profitèrent de ce mouvement pour les lui planter dans le garrot; il paraît qu'il n'y aurait de danger qu'en manquant l'animal, car dompté par la douleur, il secoue tous ses dards dont il finit par être hérissé; d'énormes bouillons de sang jaillissent de toutes ses plaies, et dès lors il ne songe plus à se défendre. Le quatrième acte est tout au Matador. Armé de sa lon- gue épée et du séduisant manteau rouge, il s'approche de la bête qui perd son sang et ses forces, fait quelques voîtes