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DEUX MOIS EN ESPAGNE 433
Giralda,c[iû possède cinq énormes cloches sur chaque face,
ce qui en fait vingt en tout, qui en valent quarante de nos
meilleures, par le procédé avec lequel on les secoue. Voici
la recette : on établit une corde dans l'intérieur du clo-
cher, que l'on plaque au moyen de crampons dans chaque
embrasure qui contient une cloche; elle sert d'échafaudage
aux pieds des sonneurs, et de ce point, qui est au niveau de
l'instrument, l'homme se suspend à la corde qui le fait
mouvoir, de sorte que, quand il fait son évolution, elle
arrache le sonneur du clocher, et lui fait exécuter un temps
de voltige entre ciel et terre au milieu des pigeons qui se
sont établis dans la toiture de la cathédrale, puis le ramène
avec elle, l'évolution terminée,au voisinage de son perchoir,
s'il éprouve le besoin d'y reprendre haleine; pour être
exact, je dois dire que n'étant pas averti, je ne fus point
témoin occulaire de ce tour de force, mais je vis les cordes
disposées à cet effet dans le clocher, quand je le visitai peu
à près, et des explications du sacristain il résulte : que ce
mode de sonnerie est encore en usage dans les grandes
fêtes, et qu'il n'y a pas souvenir qu'il ait jamais amené
quelque accident.
Mais n'anticipons point sur les événements et restons Ã
la veille de la fête, où tout le peuple est déjà dans la rue;
on place des draps, des guirlandes, des arcs de triomphe
sur tout le parcours de la procession; tous les balcons sont
garnis de femmes, d'enfants et d'arbustes en fleurs; de lon-
gues pièces de soie et de velours y sont suspendues, et
descendent jusque près du pavé qui est devenu un tapis de
fleurs et de verdure ; les uniformes militaires le disputent
en reflets brillants, aux parures des senora ; dès que le jour
baisse, le gaz allume des soleils et des étoiles qui se joi-
gnent aux claretès des lustres et des candélabres ; on s'arrête,
on s'entasse devant un autel d'argent, qui orne le petit pa-
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