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                   DEUX MOIS EN ESPAGNE                    431

chitecture originale ; l'escalier et le vestibule tout en mar-
bres roses, sont vraiment très remarquables. Sauf une char-
mante Vierge de Murillo, la collection des portraits de la
famille d'Orléans, rapportée de France, de superbes pano-
plies d'armes réunies en Afrique, le reste du mobilier n'a
rien qui sorte du luxe ordinaire des demeures souveraines.
Les jardins, que je visitai après, sont immenses, et ne rap-
portent pas moins de vingt-cinq mille livres de rente en
oranges, limons, ou fleurs, ce qui est une grosse somme
en Espagne ; ils ne sont qu'un immense verger d'orangers,
ce qu'il faut peut-être attribuer au désir de ne pas en dimi-
nuer le revenu.
    J'étais, dans cette promenade, accompagné par un garde,
la carabine sur l'épaule, qui, pour utiliser doublement sa
course, chassait en même temps aux loriots, fort nombreux
dans ce moment dans la propriété ; nous arrivâmes tous les
deux, en broussaillant aux dépens des merles, à trois anti-
ques tombes de marbre blanc, arrachées à quelque église
voisine, et couvertes de lilas et de plantes grimpantes ; mon
guide me dit que le sépulcre du milieu contenait les restes
du fameux Dom Juan, qui a tant occupé le théâtre et la
poésie : mais dont l'histoire, malgré toutes les investigations,
est encore demeurée à l'état de légende ; les deux autres
tombes étaient occupées par deux des belles qui furent ses
 victimes. Le garde me dit à ce sujet des choses qui, j'en
 suis bien certain, étaient palpitantes du plus vif intérêt.
Mais comme il les disait avec cette volubilité d'une leçon
apprise depuis des années, et dans cet espagnol andaloux,
 bourré de mots arabes, il s'aperçut bien vite qu'il per-
 dait son éloquence, et que mes yeux resteraient parfai-
 tement secs à ses tirades les plus attendrissantes. Alors
 il reprit la carabine sur laquelle il s'était appuyé faute
 de tribune, et merles et loriots payèrent bien cher la