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A PROPOS DES DANICHEFF. A l'élégant théâtre de Bellecour, la première représenta- tion de la magnifique pièce des Dankheff a eu lieu, il y a quelques jours. Ce drame est de toute beauté, dans sa grandeur, sa noblesse, sa virilité, son charme pathétique, et aussi, il faut bien le dire, dans la manière dont savent le jouer les acteurs de l'Odéon. La société russe est représentée admirablement dans cette Å“uvre ; l'inflexibilité des principes aristocratiques a un vaillant et rigide champion dans la comtesse Dankheff (Mme Elise Picard), mais il est dans son rôle d'être si dure, si implacable, si inexorable envers son fils lui-même, le comte Wladimir, que l'autocratie est véritablement aux prises avec la sublimité des sentiments d'un pauvre esclave, Osip, dont le dévouement domine toute la pièce. On pleure devant le sacrifice de la jeune Anna, la fille adoptive, immolée par l'impitoyable femme; on frissonne en présence de l'immense douleur, des reproches sanglants de Wladimir à sa mère, car il aime Anna, et la douairière hautaine l'a mariée à un autre, à Osip, le cocher, en son absence et malgré ses promesses. Mais l'émotion est à son comble, lorsque l'humble serf, bien au-dessus de sa con- dition, puisant dans son amour même pour sa jeune femme tout son héroïsme, exprime des pensées d'une noblesse surhumaine, d'une abnégation inouïe, et n'hésite pas Ã