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                   CHRONIQUE THEATRALE                       305
— jamais vous ne rencontrerez cette inspiration banale, à
la merci du premier venu, que la vue d'un beau ciel fait
naître et que la feuille d'automne, qui tombe éperdue à vos
pieds, éveille et pour cela dépendante du temps et péris-
sable comme lui. Ce qu'il veut exprimer, ce n'est point
 seulement, comme Beethoven, ces instincts mystérieux,
de l'âme haletante de désir, ces pensées vagues, rêves
 aériens de l'imagination par le cœur révélés, qui font mon-
ter l'homme perpétuellement et l'invitent à venir se désal-
 térer à la source intarissable, immense, — ou bien en-
 core, comme Rossini, mesurer simplement les propor-
 tions du rire et de la grimace humaine, décrire les
 mœurs rustiques d'un peuple et ses aspirations vers la li-
 berté. — Non, pour lui toutes ces brillantes expressions ne
 sont que des accidents fugitifs, des détails, grains de sable,
  dans l'immense poème qu'il a rêvé, poème qui trouve ses
 bases dans l'homme et son épanouissement dans Dieu. Sa
  proie à lui, son idéal, c'est l'homme, l'homme aux prises
  avec lui-même, avec sa conscience, avec le bien et le mal,
  avec ses vices et ses vertus, l'homme luttant contre les for-
  ces occultes de la nature et se mesurant avec Satan. Il fau-
  dra qu'il pénètre jusqu'aux plus mystérieuses profondeurs
  du coeur, qu'il en sonde les abîmes et voie de quoi il re-
  tourne sous le masque humain. Il se demandera ce que
  l'homme vient faire ici-bas, ce qu'il adviendra de lui dans
  le combat commencé, combat terrible, organisé entre lui,
  son corps, son âme qui l'agite et la nature qui l'accable et
  l'étouffé. On dirait de Macbeth interrogeant les sorcières.
   Le monde aura beau rire et poursuivre sa comédie, (la
   grande, celle-là), se dérober et échapper à son analyse, qu'im-
   porte! — il en saura assez — il saisira au passage les batte-
   ments de sa poitrine, — sa vie.
      C'est le Shakespeare de la musique —• le premier parle,
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