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                      DANS LE BUGEY                     283

   Le repas fut gai, les mousserons exquis, notre hôte fort
jovial, M. Gustave plein d'esprit et de bonne humeur, et
l'appétit aussi grand que la soif. On prit îe temps raison-
nable pour le café et la pipe ; le Maire chanta, au dessert,
des couplets anacréontiques et l'on se sépara, en se disant :
Au revoir.
   Comme nous sortions du village, il me sembla que les
ombres capricieuses des grands peupliers s'allongeaient dé-
mesurément sur la rivière, qui miroitait avec des rougeurs
d'incendie ; la vallée entière paraissait danser à mes pieds,
et, sans mon précieux bâton, je ne sais ce qui serait
advenu
   — C'est égal ! dis-jeàmon ami, en descendant la côte
à la fraîcheur du soir, une fière idée que tu as eue de m'a-
mener chez ces sauvages !
   Depuis lors, nous sommes retournés bien des fois dans
les buis; on nous reçoit toujours à bras ouverts. Mais, si
le bon accueil va croissant, les champignons diminuent.
Trop souvent, la gibecière reste vide, et l'on a le loisir de
crayonner à l'aise.
   Les mousserons ne pousseraient-ils plus?... Ce n'est
pas la raison : les amateurs augmentent, voilà tout; et,
quand nous arrivons, « les lauriers sont coupés. » On
nous a dit bien bas que les produits de la Crête paraissent
quelquefois, aux réceptions d'hiver, sur la table d'un hono-
rable Sénateur, plus matinal que la grive. Ils doivent être
délicieux; mais, j'ai l'estomac reconnaissant, et je gagerais
qu'ils ne valent pas ceux que nous avons mangés chez le
vieux cabaretier.
                                DANIEL   CHAZERAY.