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DANS LE BUGEY 281 — Une singulière idée que tu as eue de m'amener chez ces sauvages! dis-)e à mon ami, en approchant de la maison du maire. Un gros bouquet de genièvre desséché pendait au-dessus de la porte pour attirer les regards des passants : le Maire de Tendrait était en même temps cabaretier. Il était assis sur son banc et nous voyait venir de loin, flairant quelque grosse affaire. En comparaissant devant ce magistrat, nous abaissâmes respectueusement nos chapeaux. — M. le Maire, cria le garde triomphant, je vous amène deux tireurs de plans, que j'ai ramassés par là -haut. Ils n'ont pas de bons papiers ; et figurez-vous que, pour faire ceux qui n'ont l'air de rien, mes pèlerins récoltaient des cham- pignons!... Est-ce qu'on vient du bout du monde pour em- porter ces poisons ?... Petit, ventru, sanguin et d'un âge où la prudence ne fait point défaut, le Maire tira ses besicles de leur étui : — D'abord, Jérôme, observa-t-il en les assujétissant sur sonnez, ne va pas dire du mal des champignons. Je t'en apprêterai un jour et tu m'en diras des nouvelles! — Je ne dis pas non, Monsieur le Maire. Mais voyez- moi ce plan-là que ce citoyen était en train de tirer. — Mo ! ho ! fit gravement le maire en prenant l'album- Puis, soulevant son bonnet de coton, il se gratta l'o- reille d'un air embarrassé. — Ah ! suis-je fou ! s'écria-t-il tout à coup avec un éclair dans les yeux. M. Gustave est là dans la salle : lui qui se connaît en portraits, il nous dira ce qu'il en pense. Nous le suivîmes tous dans une petite pièce basse et en- fumée, où un chasseur, — un vrai, celui-là , — étendait du beurre frais sur des tranches de pain, au milieu de ses chiens attentifs. Ce n'était point un braconnier, mais un monsieur proprement vêtu ; ses chiens étaient de race. Il se