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LA 274 CHASSE AUX CHAMPIGNONS Ainsi allégé, je gravis les pentes avec moins de fatigue et, comme autrefois, mon Black m'accompagne. On dit qu'il y a encore du poisson dans la rivière d'Ain. Mais je n'ai aucun goût pour la pêche. Rien ne me semble plus vrai que la peur inspirée au jeune Tôpffer, sur le bord de l'Arve, par l'immobilité prolongée d'un pêcheur à la ligne. La privation de ces passe-temps, auxquels j'ai renoncé, ne m'a jamais causé le moindre regret. Comment s'en- nuyer aux champs, quand il fait beau ? Crayonner ici, rêver là , dormir plus loin... La journée s'écoule avec une dou- ceur infinie. Au reste, en septembre, mon plaisir favori est la chasse aux champignons. J'aime à 'chercher dans les bois ces vé- gétaux sinistres, aux couleurs suspectes, qui croissent à l'ombre humide des arbres moussus, ces substances dont le nom signifie, pour la plupart des gens, nausées, vomisse- ments, douleurs d'entrailles et d'estomac, et qui, chaque année, chaque jour — du moins, au dire des journaux — conduisent à la tombe des familles entières victimes de leur imprudence. Quoi qu'il en soit, cette chasse est pleine d'attraits et point aussi dépourvue d'incidents qu'on pourrait le croire. Le malheur est qu'elle tend à se vulgariser comme les au- tres. On trouve des truffes noires et des morilles sur quel- ques points du Bugey. Presque partout, le mousseron, la chanterelle, la chevrette et l'oronge croissent en quantité plus ou moins grande. Les paysans, qui ne manquent ja- mais l'occasion de faire un profit, savent que ces végétaux sont d'excellents comestibles et plusieurs en expédient dans les villes, sans s'inquiéter outre-mesure des propriétés salubres.ou insalubres d'un produit qu'ils ne cueillent que pour la vente.