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DEUX MOIS EN ESPAGHE l8l Après le gendarme, le douanier est de rigueur. Sa cas- quette, qu'il tient à la hauteur de sa hanche, ne se relève que bien garnie de monnaie ; mais le service n'en souffre nullement, car il n'en bouleverse pas moins bien conscien- cieusement tout le linge de ma valise. Je ne sais qu'elle est l'opinion des demoiselles du pays, plus compétentes que moi sur cette question d'uniforme, mais, quant à la mienne, elle est toute en faveur du gendarme, et ne fusse que pour vexer son collègue, je l'inviterais volontiers à partager ce déjeuner que l'on est en train de me servir; partager un déjeuner en Espagne, mais est-ce possible, même avec une perruche verte et non un compagnon du dieu Mars ? une tasse de chocolat à l'eau de la valeur de deux coquilles de noix, un biscuit en sucre caramélé, plus un verre d'eau, voilà ce que l'on finit par apporter au voyageur affamé ; les grelots des mules se chargent du dessert. Je monte donc en voiture, et, pour me venger, ne trouve rien à dire de Bdhgarde- et de Junquières, dont les terrains arides et brûlés semblent faits pour servir d'excuses à la pénurie des hôtel- leries. FIGUIÈUES, qui étale bientôt, sur un roc vif, des terrasses de canons au-dessus de ma tête, est célèbre dans nos an- nales par les nappes de mitrailles qu'elle vomit jadis contre nos bataillons; cependant, je ne sais pourquoi les Espagnols s'en méfient aujourd'hui, et prétendent, à tort ou à raison, qu'ils n'en sont propriétaires que pendant la paix, et qu'elle s'abrite sous notre drapeau au premier coup de canon que nous tirons sur la frontière. Gironne, la seule place un peu importante de ce côté, est par contre bien Espagnole, tout au moins de physionomie. Le voyageur français, dont on n'accepte plus la monnaie, et dont on ne comprend plus la langue, s'y trouve, à la porte de chez lui, tout aussi dépaysé que chez les Andalous ou Içs Maures de Grenade. Cette