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150 LE LAC TRITON « quantité de neige telle que la chaleur du climat ne put « suffire à les faire fondre et qu'elles s'accumulèrent au « point de s'étendre au loin et de subsister même au mi- « lieu d'une température très-élevée. » Il s'agit donc de savoir si les Alpes étant (prémisses hy- pothétiques) deux fois plus hautes qu'à présent, ont pu (con- séquence encore plus hypothétique) produire le phéno- mène que l'on veut expliquer? Mais qui donc pourrait affirmer cela et produire des chiffres et des calculs certains à l'appui de cette conclusion? J'ose dire, toute révérence gardée envers les savants, j'ose dire que cette théorie me paraît trop absolue. Il est vrai, qu'en fait de théories scienti- fiques, je suis d'un scepticisme complet, et l'expérience jus- tifie parfaitement mon incrédulité. Rien de plus instable, de plus variable, de moins digne de créance que les systè- mes scientifiques que nous voyons se produire, s'affirmer, se combattre, et disparaître, souvent en peu d'années. Au- tant la science moderne est féconde en découvertes par- tielles et par là , digne d'admiration, autant elle est stérile dans ses tentatives de synthèse et répréhensible par les pré- tentions d'autorité qu'elle s'en attribue. La science propre- ment dite est, dans ses conclusions, tout ce qu'il y a déplus incertain; à ce point de vue,elle est même d'une infériorité notoire en comparaison des sciences historiques. Et, ce qu'il y a de pire, c'est qu'aujourd'hui la science prétend gouverner ; on invoque la science comme si la science sa- vait réellement, tandis que toutes ses conquêtes n'abou- tissent qu'à l'incertitude et à la constatation de l'ignorance humaine. Il s'est formé une école politique et sociale qui se targue d'asseoir ses principes sur les doctrines de la science alors que ces doctrines ne sont, en réalité, que de pures rêveries, aussi vides que les extravagances des illu- minés.