page suivante »
I48 LE LAC TRITON n'ait pas été jadis une vaste mer intérieure, quoique in- connue des anciens ou antérieure aux temps historiques. Cependant, au risque de jouer le rôle du cordonnier d'Apelles, je me permettrai d'opposer quelques objections à l'influence que M. E. Pélagaud lui attribue et à l'exclusi- visme de sa théorie scientifique. L'existence des glaciers est, dit-il, « une question d'humidité atmosphérique, « d'abondance de pluie ou de neige, bien plutôt que de « chaleur ou de froidure du climat. » J'ai peine à admettre ce principe ainsi formulé. Le phénomène dont il s'agit procède de deux éléments distincts, d'un subjectif et d'un agent. Le subjectif c'est l'eau,l'agent c'est le froid qui la condense en neige. Ces deux éléments sont aussi indispensables l'un que l'autre, et il n'est pas permis d'attribuer à l'un plus d'importance qu'à l'autre. D'ailleurs, comme toute hypothèse scientifique doit dispa- raître devant l'autorité de l'expérience,voyons si celle de M. Pélagaud peut se soutenir devant ce contrôle. C'est qu'en effet les circonstances qu'il invoque à l'appui de sa théorie existent actuellement sur un point bien connu du globe. Nous avons encore une vaste chaîne de montagnes précisé- ment deux fois plus élevées au moins que nos Alpes, et, à proximité, à l'ouest et surtout au sud, une mer immense fournissant à l'atmosphère une surabondance d'humidité et de vapeurs que la masse de ces monts doit condenser, « jusqu'à la dernière goutte. » Or,voyons-nous que les pics de l'Himalaya déversent jusqu'à leurs pieds de gigantesques glaciers dans les plaines de l'Inde ou du Thibet ? Pas le moins du monde; au contraire, et tandis que dans nos Alpes, de moitié moins élevées, par conséquent moins froides et condensant moins de vapeurs, les neiges éter- nelles s'abaissent jusqu'à environ 2,800 mètres, dans l'Hi- malaya, elles cessent à 4,600 mètres en moyenne. D'où