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460 VIEUX AUTOGRAPHES longue haleine. L'esprit comme le corps n'a-t-il pas besoin d'une détente temporaire pour acquérir de nouvelles forces et s'attaquer avec plus de vigueur à la tâche proposée ? D'ailleurs, à ce moment, l'esprit gaulois n'était pas en- core mort chez nous ; la bonne humeur de nos pères cou- lait librement dans nos veines comme un vin babillard. —• On pratiquait la gaîtè en toutes choses et de toute manière, et, comme les maîtres de la vieille race, pour l'entretenir, on se réunissait. Il y avait de joyeuses confréries de la gaîté, tout comme il y a maintenant des confréries graves et mélancoliques. On ressuscitait les anciennes associations gastronomi- ques du bon vieux temps. Les dîners chantants de l'An- cien Caveau; les dîners du Temple, où Chaulieu, l'abbé Courtin, en compagnie de la joyeuse famille des Ven- dômes, se livraient à d'aimables excentricités ; les soupers ôîArcudl, qui auraient pu un jour avoir une issue tragique sans une heureuse remarque de Molière, qui persuada à ses amis d'attendre le retour de la clarté des cieux pour mettre à exécution leur sinistre projet; les petits dîners de la Satyre Ménippée, où l'on mangeait beaucoup, mais où l'on chan- tait plus encore de malicieux couplets ; ceux de la Fronde, . où l'on se consolait en faisant des moqueries sur les échecs essuyés par le régiment de Corinthe ; — on plaisantait du coadjuteur, qui tout le premier ne manquait pas de rire et de se jouer des autres. Le fameux poignard qu'il portait tou- jours dans sa poche et dont on apercevait la poignée, était l'objet de railleries incessantes, c'était, disait-on, le bré- viaire de Y archevêque. Le mot était d'autant plus plaisant que Paul de Gondi se servait aussi bien de son poignard que de son bréviaire — qu'il n'ouvrait jamais. — Heureux temps! où l'on riait même en faisant de la politique. La gaieté avait son code, ses règles, ses poètes, ses co-