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366 PIERRE ET JEANNETTE permission de vivre à sa manière, dans tout ce qui ne con- cernait pas le service, et il employait au travail de l'esprit les moments que les autres accordaient à la pipe, aux ra- contars ridicules, aux plaisanteries grivoises, aux jouissan- ces de la cantine, Dès son retour à Lyon, Pierre m'avait fait part de son bonheur d'avoir découvert la demeure de Jeannette, d'a- voir passé près d'elle une journée délicieuse, de s'être assuré de nouveau de son affection et d'avoir reconquis celle de ses parents. Il ne se passait pas de quinzaine que je ne reçusse de ses bonnes lettres, où se manifestait de plus en plus la culture de son esprit. Un jour, il m'apprit une nouvelle bien agréable : c'est qu'il avait un congé d'une semaine, et qu'il viendrait en passer une partie à Beauregard; le reste, naturellement la meilleure part, serait consacré à la Chapelle. Je l'attendis avec impatience. Il arriva par un beau jour du mois de septembre : sa physionomie, à la fois loyale et martiale, empreinte d'une honnêteté si pure, nous charma. Nous le reçûmes et l'embrassâmes comme notre fils. Le petit Charles ne pouvait se lasser de le caresser et de l'ad- mirer. Ce fut enfin un beau jour de fête que ce retour de notre ancien et cher serviteur. Une chose cependant lui gâtait cette fête : c'était l'ab- sence de ses parents : se voyant trop isolés après le départ du jeune militaire, ils étaient allés habiter à quelques lieues de là avec leur fils aîné. Pierre devait donc faire un nou- veau petit voyage pour les revoir.