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364                 PIERRE ET JEANNETTE
tentissante l'arrivée des étrangers et qui témoignait à sa
maîtresse, après quelques heures d'absence, une joie et
une amitié dignes du chien le plus fidèle.
    Et la chèvre Brunette, combien de fois furent racontées
ses prouesses et ses gentillesses, et l'abondance de" son
lait!
    Mais c'était surtout le petit Jean dont les progrès four-
nissaient les plus intarissables descriptions : il avait une
dent de plus, sa bouche dessinait un nouveau sourire ; ses
yeux devenaient plus expressifs ; ses cheveux acquéraient
une boucle nouvelle.
    Tous ces riens intéressaient beaucoup Pierre. Mais lui,
que pouvait-il dépeindre ! La caserne, où il était renfermé
presque constamment, n'offrait pas des sujets qui pussent
beaucoup toucher Jeannette. Ce n'étaient pas les exercices
de peloton, ni ceux de tir, ni la comptabilité de la compa-
gnie, ni les conversations et les habitudes des soldats, qu'il
pouvait lui décrire.
    Combien, en effet, cette existence factice des hommes
forcés de vivre en réunions nombreuses est moins riche en
détails intéressants que celle de la moindre chaumière!
Dans la demeure des champs, tout devient un objet de
charmante étude et d'observations variées. L'autre séjour
n'offre qu'une écœurante monotonie.
    Cependant Pierre trouvait quelques jolies pages à écrire
sur ce qu'il voyait dans ses courses au dehors.
    Dans ses promenades au Jardin botanique, il retrouvait
cette nature qui lui plaisait tant, et les végétaux curieux
qu'il y remarquait étaient propres à solliciter l'esprit atten-
tif, avide de s'instruire, de sa chère correspondante.
    Il rendait compte aussi de ses visites au palais des Beaux-
Arts, dont les antiquités, les tableaux, les statues frappaient
 beaucoup l'intelligence du jeune militaire et donnaient