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PIERRE ET JEANNETTE 36-) çoit tout l'intérêt de ces épanchements entre des âmes si bien faites pour se comprendre. Mon nom revint naturellement souvent dans la conversa- tion, et, grâce à la chaleur affectueuse avec laquelle Pierre parlait de moi, le père et la mère André parurent me rendre l'estime et le respect que je méritais en effet. Il fallut se séparer le soir. Le jeune fourrier devait rega- gner son poste. On se quitta avec tristesse, mais il n'y avait plus cette inquiétude et cette amertume qui s'étaient appesanties sur les six mois précédents ; la situation se des- sinait de nouveau claire et sans nuages ; on respirait à l'aise, on nageait dans un doux espoir. X. La correspondance recommença, et avec quelle déli- cieuse régularité ! Ces deux jeunes gens ne pouvaient se las- ser de se raconter le bonheur qu'ils avaient eu de se re- trouver. Jeannette y ajoutait la peinture des incidents de son existence champêtre : c'était la récolte des fruits du petit verger ; c'était la coupe du foin ou du trèfle qu'avait entre- prise son père ; c'était la moisson commencée ; c'était le lait, le beurre, le fromage ou les œufs que la mère avait portés au marché voisin et qui avaient fourni un bon pro- duit ; — c'était la bonne Fromentine, qui avait manqué pé- rir en tombant d'un escarpement où l'avait conduite son audace ; ou bien elle avait donné naissance à un veau qu'on allait élever avec soin ; c'étaient de petits poulets nouvellement nés qui couraient autour de la maison, quel- quefois dedans ; c'était l'oie, qui annonçait par sa voix re-