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l68 LES DEUX VOYAGES t)'ABRAHAM GOLNITZ tement au fond de la vallée et, par un chemin assez étroit, bordé de buis, et traversant un territoire planté de vignes, nous arrivons enfin, à trois milles de distance, dans la ville de Tarare, tout trempés de pluie, et nos^conducteurs acca- blés de fatigue et mourant de faim. Nous nous arrêtons à l'hôtel de Saint-Sébastien ( i ) . Au dedans tout est joie et plaisir. Le service de l'écurie, de la cave, delà table et le reste sont remplis par des femmes; on n'y voit aucun autre serviteur, et toutes ces femmes sont sœurs et filles de l'hôtesse. Chacune a son emploi déter- miné et chacune y pourvoit avec une exactitude parfaite. Jamais, dans tout notre voyage, je n'ai observé une orga- nisation pareille. Les mets qui nous sont servis sont copieux et excellents; les vins aussi bons qu'on rpeut les dési- rer; les chambres vastes et d'une grande propreté, et, ce qu'on ne doit pas moins louer, le tout à un prix 'modéré. Tout cela allait à merveille à des gens dont l'estomac était à sec, pendant qu'à l'extérieur leurs vêtements étaient ruis- selants de pluie. Le jour suivant, avant de [nous remettre en route, la table était servie de nouveau et l'on nous engageait à faire honneur au déjeûner qui nous avait été préparé. Mais l'hô- tesse et ses suivantes prévoyaient que nous aurions à subir exacte. En quittant le plateau qu'elle avait suivi, depuis la Chapelle jus- qu'au lieu appelé Château-Gaillard, elle descend par une croupe ardue, d'où le regard s'étend, d'un côté, sur la profonde vallée de Joux, que do- minent, au midi, de sombres bois de sapins, et de l'autre, la gorge sau- vage et inhabitée, où débouche actuellement le tunnel du chemin de fer. (i) Quelques années auparavant, le 3 mars 1623, nous voyons aussi le prince de Condé, venant de Lyon, s'arrêter à Tarare, où il dîna à l'hôtellerie de Saint-Sébastien (Voyage de M. le Prince de Condê en Italie, p. 161). — Cet hôtel de Saint-Sébastien n'a cessé d'exister que depuis une dizaine d'années seulement.