Revue du Lyonnais » série 4 - n°6 ( 1878 ) » pp.293

                     UNE FEMME MURÉE                   293

Roger afin qu'il ne donne aucun soupçon par son assiduité
auprès d'elle. Elle promet au troubadour que le lendemain
il pourra faire librement, chez elle, ses adieux à sa sœur.


                           VII
                 MEURTRE ET TRAHISON


    Pendant que le bal se prolongeait, que la joie régnait
au manoir, une infernale jalousie dévorait le cœur du
châtelain. Jamais Emmane lui avait parue plus belle.Fier
et heureux des félicitations qu'il avait reçues de toutes
parts, Gaspard se promettait d'adoucir son humeur,
et de rendre enfin sa femme heureuse. 11 comprenait que,
faible, délicate et sensible, elle aurait besoin de grands
ménagements pour arriver à l'accomplissement de sa
tâche maternelle, lorsque tout à coup, il surprit, entre la
comtesse émue et le troubadour, un regard qui bouleversa
tout son être. Il réfléchit alors qu'il ne l'avait jamais
vue si gaie que depuis l'arrivée de cet étranger; la rage
succédait au doute dans son cœur, et s'approchant d'elle
il lui demanda:
   — Savez-vous, madame, quel est ce jeune homme dont
les chants paraissent vous émouvoir si vivement ?
   — Non, dit-elle bien bas.
   — Est-il connu à la cour de Savoie?
   — Je l'ignore, répondit simplement la comtesse.
   Et Gaspard s'éloigna.
    Souffrante et fatiguée de la fête, Emma entra un
moment dans son appartement; hélas ! la trahison l'y
 guettait.
    Un obscur archer s'était trouvé sur la terrasse au mo-
 ment de la première entrevue du frère et de la sœur. Vil