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232 UN POEME CHINOIS seiller des rois, le guide des navigateurs. La vie de cet illustre personnage, déifié par le peuple, a été écrite par Sse-ma-tsien, l'Hérodote chinois, qui vivait sous la dynas- tie des Tsin, au IX.e siècle de notre ère. En même temps que le vulgaire décernait ces honneurs séculaires au ministre, victime de son zèle pour la chose publique, le public lettré rendait d'autres hommages en- core plus éclatants h l'ouvrage qui renfermait les plain- tes et les lamentations du poète. Eecueilli et publié, dès le I er siècle, A. E . , le Li-sao n'a cessé d'être réédité, an- noté, commenté, vanté, comme une œuvre magistrale, par toutes les générations du royaume fleuri Hoa-Kwè, nom sous lequel on désigne la Chine, en littérature. L'em- pereur Ou-ti, delà dynastie des Han, au II8 siècle, A.E. le fait commenter ; le fameux critique Tchou-li, sons les Son g, lui élève un véritable monument littéraire, au X9 siècle ;,sous les Ming, au XIVe et enfin sous les Tsing actuels, l'imprimerie impériale, à Nankin et à Pékin, en donnait de splendides éditions. Le Li-sao doit être rangé dans la catégorie des poèmes élégiaques; il est rimé et doit être absolument chanté. Il ne faut attendre de celte œuvre ni artifice, ni méthode, ni prosodie, ni mesure, mais seulement une cadence na- turelle, un laisser-aller de la versification, mariée à la mu- sique. Le rhythme de la langue chinoise, ses instruments phonétiques et idéographiques, se prêtent admirablement aux inspirations directes du cœur et de la pensée; l'âme s'y reflète toute entière. Anciennes et modernes, toutes les com- positions poétiques des Chinois sont faites pour être chantées. Dans son Essai sur V Histoire poétique de la Chine, publié il y a une quinzaine d'années, M. d'Hervey signalait, à l'égard des croyances religieuses, un fait notable que le Li-sao vient de confirmer, d'une manière éclatante. C'est que l'idée de la divinité, consacrée par Kong-fou, par Lao, par Tao et leurs successeurs, est constamment pré- sentée, avec une grande dignité et noblesse, par les poè- tes de la plus haute antiquité chinoise. Il s'agit toujours d'un dieu unique, le Shin, principe sans commencement ni sans fin, le Shang-tê, qui habite le ciel, appelé, Tien, où il reçoit ceux qui ont pratiqué la vertu, sur la terre, et qui règle, à lui seul, les destinées du monde. Que faut- il donc .penser de ceux qui ont cru voir une espèce d'ido- lâtrie, dans la croyance d'un ciel matériel, le Tien, et dans