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214                  UNE FEMME MURÉE

avec chagrin'que sa seconde épouse était encore plus
faible, plus délicate que la première. Cette santé chan-
celante lui inspira de l'éloignement. Cependant, l'espé-
rance d'avoir un héritier le consolait. Il passait ses jour-
nées à la chasse, et pria Gabrielle de mettre tout en œuvre
pour distraire la mélancolique châtelaine.
    La Cour était alors à Nice ; un siège devenait inévi-
table, les corsaires menaçaient depuis longtemps la ville
maritime. Le duc de Savoie fit «un appel à la noblesse,
des préparatifs de défense eurent lieu pour repousser les
forbans. Le seigneur de Gramont partit un des premiers,
conduisant deux compagnies bien armées. — Adieu,
madame, dit-il à sa jeune femme, je vous laisse ici dame
 et maîtresse. Adieu, Gabrielle, je vous confie ce que j'ai
 de plus cher au monde.
    Philibert-Emmanuel demanda à Gaspard des nouvelles
 de Gabrielle et d'Emma avec le plus grand intérêt, et
 promit de choisir, pour la première, un époux digne
 d'elle.
    Restée seule, la jeune comtesse éprouva un peu de
 soulagement; la vue de son époux la troublait, l'effrayait;
 devant lui, elle n'osait parler, et la terreur paralysait son
 intelligence.
    Gabrielle aimait avec tendresse cette jeune victime de
 l'ambition ; elle s'occupait avec ardeur à la consoler, à
 la réconcilier avec sa position, à adoucir ses regrets.
    Tantôt, elle organisait une promenade ; elles descen-
 daient ensemble de leurs haquenées dans les prairies dn
 Seran, dans les forêts de Gramont ; Gabrielle faisait
 admirer les beautés de la nature, la fleur qui se balance
 sur sa tige, l'oiseau qui chante sur la branche flexible,
 des points de vue ravissants ; elle tâchait alors d'élever
à Dieu l'âme de sa compagne, pour qu'elle y puisât la