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                      UNE FEMME MURÉE                     215

  pais et la reconnaissance, l'amour de son créateur.
  D'autres fois, Gabrielle conduisait Emma dans de pauvres
 chaumières ; elles voyaient de près la misère et la dou-
 leur des autres lui faisait oublier la sienne ; la bonne
 damoiselle donnait de chauds vêtements aux vieillards,
 du pain aux enfants abandonnés et recevait en échange
 mille bénédictions. — Je veux faire comme vous, disait
 Emma; demain nous retournerons voir ces infortunés,
 et ce sera à mcn tour, de soulager leurs grands
 maux.
    Chaque matin, les deux nobles dames assistaient à
 la messe, le soir à la prière avec leurs vassaux. Le père
 Athanase était heureux de voir revenir les beaux jours
de la seigneurie; puis réunis dans la grande salle, il faisait
 une lecture dans les livres saints, dans les poètes ou
philosophes chrétiens, et les deux châtelaines et leurs
femmes confectionnaient une layette pour un nouveau
né, ou brodaient un ornement pour l'église de Saint-
Ennemond.
   D'autres fois,dans les bosquets de la terrasse,Gabrielle
chantait en s'accompagnant de son luth. La musique
avait un charme infini pour la jeune comtesse; elle croyait
entendre la voix et les accords de son frère bien-aimé,
excellent musicien
   Les jours s'écoulèrent moins tristes ; la comtesse con-
çut à ce moment l'espoir d'être mère; cette bonne nou-
velle arriva à Nice et fut une joie immense pour Gaspard
de Mornieux.
   Le siège de Nice était levé ; repoussés, vaincus, les
corsaires s'étaient retirés. L'échange des prisonniers eut
lieu; le seigneur de Gramont rentra enfin chez lui, après
trois mois d'absence. 11 fut presque tendre pour sa fem-
me et sa fille, généreux pour ses vassaux, et leur accor -