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212 UNE FEMME MURÉE Tout le monde tremblait et gardait le silence. Gabriel- le osa néanmoins encore se jeter aux pieds du terrible châtelain. Celui-ci la releva avec brutalité : — Assez, ma fille, assez ! Vous abusez étrangement de ma tendresse pour vous. Depuis quand avez-vous le droit de blâmer mon autorité, de me donner des conseils? Votre mère s'était bien habituée à pareille justice; la jeune comtesse en fera autant; elle doit savoir que tout sei- gneur est armé de l'épée qui défend son roi, et du glaive qui châtie les coupables. Ces trois larrons ont mérité la mort et la subiront, comme je le veux; la seule grâce que je puisse accorder à ces fils de Satan, est celle de leur envoyer le père Athanase ; grâce inutile, je crois; ils ne connaissent jamais ni regrets ni remords de leur crime. Emma, à ce spectacle, se sentait mourir. Gabrielle l'entraîna dans son appartement et s'efforça de distraire son attention. Emma pleurait le départ prochain de son père et de ses frères. — Un secret pressentiment m'aver- tit, disait-elle, que je ne les reverrai plus, que je vais leur faire des adieux éternels; ma vie est brisée, je le sens, je le sais. 0 Gabrielle, que n'ai-je votre courage, votre énergie; je pourrais alors vous imiter, faire du bien autour de moi, surmonter ma tristesse, vivre avec soumission à la volonté de Dieu, avec le désir de remplir mes devoirs; si votre appui, vos exemples me donnaient cette force, j'eu bénirais le ciel ! Tout à coup le bruit d'une violente discussion se fit entendre ; le seigneur delà Roche déclarait qu'il ne resterait pas un instant de plus dans une demeure où il avait droit à plus de complaisan- ce , il chercha sa fille et l'embrassa en lui disant qu'une " circonstance indépendante de sa volonté l'obligeait à rentrer à Chambérj le jour même. Ses fils vinrent aussi