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                     «NE FEMME MURÉE                     49


                            II *
                     LES OUBLIETTES

   Nous retrouvons notre héroïne à table pour le repas
de midi, avec son père, le moine, le sénéchal, et le capi-
taine des gens d'armes.
   — N'allons-nous pas, mon père, dit-elle, faire aussi
notre fête du retour de notre bienaimé souverain ? Déjà
les châteaux voisins ont arboré bannières et gonfalons,
illuminé tours et terrasses, et fait largesse à leurs
vassaux.
   — Tout 'beau, ma mie, dit Gaspard, ce ne sont pas
des feux et des lanternes qui témoignent de mon amour
pour mon redouté seigneur Philibert. Certain événement
peut arriver qui m'obligera à vider plus utilement mon
escarcelle.
   Gabrielle se troubla à ces mots, elle devinait la pen-
sée de secondes noces pour son père.
   — Que vous semblerait, ma fille, reprit-il, d'aller sa-
luer, à Chambéry, leur seigneurie dans le mois prochain?
   Un éclair de joie illumina le visage de Gabrielle. Voir
son souverain, son héros, comme elle se plaisait à l'ap-
peler, quel bonheur inattendu !
   — Nous partirons ensemble, reprit le châtelain. D'ici
là, faites-vous avec vos femmes un costume de cour, je
vous donnerai la cassette des bijoux de votre mère et
vous tâcherez de représenter dignement notre antique
maison. Vous avez, Gabrielle, la beauté, la bonne grâce
de votre mère, et, de plus qu'elle, l'activité et le courage
 de votre père.
   Heureuse de ces paroles aimables, la jeune fille et ses
 vieux amis bénirent le Ciel, mais hélas ! presque aussi-
 tôt un affreux orage vint assombrir cette joie trop ra-
 pide !                                               4