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46 UNE FEMME MURÉE Une vie qui eut ses charmes parce qu'elle eut ses dé- vouements. Aimant la campagne, les prés et les bois, l'enfant se prit d'une grande tendresse pour sa mère. Elle s'attacha aux serviteurs du manoir, au vieux moine, qui lui ap- prit à lire et à prier Dieu. Gabrielle courait au milieu des champs, folâtrant avec les jeunes agneaux, les chèvres vagabondes, et se faisant des amis des petits bergers, en leur donnant des fruits et des jouets. Bientôt la lecture devint sa passion : elle demandait sans cesse au père Athanase des explications sur toutes choses et ranimait la triste vieillesse du moine. Mais à douze ans la charmante fillette du quitter le manoir. Sa mère la conduisit à Seyssel dans un couvent de Bernardines, dont une de ses tantes était abbesse. Là , elle devait faire sa première communion, appren- dre à écrire, à chanter, en s'accompagnant du luth et surtout à pratiquer les vertus chrétiennes, premier or- nement des dames et châtelaines qui toutes savaient aussi soigner les malades et panser les blessés. Ce fut un affreux sacrifice pour Cécile de se séparer de sa fille, sa seule joie dans ce monde et dont le carac- tère, aimable et décidé, lui donnaitun peu d'énergie. • Restée seule au manoir, le travail à l'aiguille et la prière furent l'unique consolation de Cécile. Son mari ne lui avait permis aucune relation avec sa famille ni ses voisins. Aussi vit-on bientôt s'affaiblir la santé de la pauvre jeune femme. Son beau-frère étant venu la voir, il alla, d'autorité, chercher Gabrielle pour lui faire recevoir encore une fois la bénédiction de sa mère. L'infortunée comtesse ne vécut que peu de jours après la visite passagère de sa fille ; elle lui donna ses derniers conseils et la recommanda fortement à son beau-frère,