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UNE FEMME MURÉE 47 homme excellent, sincèrement chrétien. Persuadée que Gaspard se remarierait, Cécile tremblait pour l'avenir de Gabrielle qui venait d'atteindre sa quatorzième année, et dont la raison était au-dessus de son âge. La filîe du comte de Mornieux éprouva un affreux déchirement de cœur eh voyant, pour toujours, disparaître sa mère bien- aimée. Cet événement lui donna prématurément la pru- dence et la sagesse en partage ; elle réfléchit beaucoup, s'abandonna à Dieu avec une entière confiance, puis ren_ tra dans son couvent ; mais au bout d'une année, elle le quitta sur l'ordre de son père. Alors, seule au manoir, sous la protection du père Àthanase, et de Siffroy le sénéchal, la jeune fille sut ar- ranger sa vie pour y goûter des joies inconnues à sa mère. Elle lisait beaucoup, chantait, jouait du luth, visi- tait les pauvres, se faisait chérir dans toute la seigneurie ; en un mot, donnait au manoir une vie nouvelle. Les jours de grandes fêtes, elle allait aux offices de la pa- roisse, avec gens d'armes et varlets. La seigneurie se composait de sept villages, dont la principale paroisse était le bourg de Ceyzérieu où se ren- daient aussi les habitants de deux maisons fortes du voisinage. Gabrielle était aimable pour tous, bourgeois et manants. Son oncle lui avait donné un superbe pale- froi andalou, et souvent on la voyait, suivie du bon sé- néchal, parcourir les vallées des alentours. Bien souvent les châtelaines voisines eurent le désir d'entrer en re- lations avec elle ; mais la terreur qu'inspirait le châte- lain ne permettait pas de voir ce désir se réaliser. Tou- tefois, Gabrielle put visiter les seigneuries de^Vongnes, de Flaxieu, de Virieu, de Culoz et-de Luirieu.^Quelque- fois même elle se rendait à Belley, pour porter dans l'an- tique cathédrale ses vœux au tombeau de saint Antheljae, le patron vénéré du Bugey.