page suivante »
HISTOIRE D'UNE PENDULE 447 ment fermé les yeux, mais dont elle n'avait pu égayer beaucoup la; vieillesse, sa bouche ne s'ouvrant guère au sourire. C'était une femme de taille moyenne, aux cheveux d'une teinte si indécise qu'on ne savait s'ils étaient blonds pâle ou altérés par les années et les chagrins, aux yeux bleus et doux, à la parole rare et calme. Au de- meurant bonne, serviable, et ne mettant ni sa langue, ni ses oreilles au service des médisances et des commé- rages. Un long- soir de décembre, la conversation languissant, se traînant dans les mêmes faits, Madame Dentremont s'écria, un peu inconsidérément peut-être : — Eh! Madame Marther, à votre tour, racontez-nous donc quelque chose ? Mais se rappelant à temps les malheurs de la veuve, elle se hâta d'ajouter : — Pas quelque chose de triste, mais de gai, d'amu- sant. Vous n'êtes pas arrivée à votre âge sans avoir jamais rien vu ou rien appris d'intéressant ? N'avez-vous jamais eu d'aventure ? Mme Dentremont écrivait parfois des nouvelles et avait grande curiosité d'aventures. — Ah ! madame, comment'voulez-vous qu'une pauvre femme tout occupée d'un commerce qui comprenait l'achat et la vente de tant d'objets divers ait eu le temps d'avoir des aventures ! — Bien, mais enfin, avant nos récents malheurs, n'aviez-vous point éprouvé de grandes joies, comme une amie qui eût gagné quelque gros lot à la loterie de la vie? — Pas trop, ma bonne dame. Je me rappelle pourtant avoir été bien contente une fois d'une chose qui ne se