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                CHRONIQUE LOCALE


   — Les vieillards les plus centenaires, les Nestor et les
Mathusalem, ou du moins le peu qui en reste, car on vieillit
vite aujourd'hui, prétendent et au besoin affirment, que,
dans leur jeunesse, ils ont vu, après l'hiver, et avant l'été,
une saison charmante, pleine de fleurs, d e gaité et de pro-
messes, qui ravissait les jeunes et .es vieux.
   On se sentait renaître; un doux soleil réchauffait les conva-
lescents et les vieillards ; les écoliers redoublaient de joie,
les jeunes gens éclataient de force et de santé et trouvaient
la terre trop petite pour leur fougue d'expansion ; les nids
remplissaient les buissons, l'air était doucement embaumé,
la terre entière frémissait. C'était le printemps I
   Aujourd'hui, nous avons changé tout cela. Au mois de
mai, on grelotte quand on ne rôtit pas. Les nez sont rouges,
les coryzas fieurisent, les laryngites prospèrent, les épisy-
nanches pullulent, les staphyloncies triomphent, les blépha-
rites régnent.
   Vient un coup de soleil ; changement à vue, c'est le tour
des hélioses, des céphalées, des hémicranies, des ecthymo-
ses, des phlogopyres, allant jusqu'au paraphrosyne. C'est à
en devenir fou.
   Aussi, dans quelle terreur nous jette, à chaque page, la
lecture du Lyon-Médical, surtout à l'article : maladies
régnantes ! On est dans une lipyrie continue et faites donc
une chronique locale après cela !
   0 Poètes, chantres divins, diriez-vous aujourd'hui:
         Le mois naissait où refleurit la terre,
         Mois de gaité, d'espérance et d'amour !
  On répond en prose :
  — Il pleut.
       Jaloux de présider au plus riant des mois,
       Les Gémeaux dans les airs ont déjà pris leur route.