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COUVENT DES MINIMES 329 thodoxie et la résolution de la défendre. Nous n'en ra- conterons qu'un seul, parce qu'il fait bien voir comment l'hérésie dans le peuple n'était le plus souvent que la satire des gens de l'Eglise. Les Propos de Table de Lu- ther étaient, bien plus que les traités théologiques du ré- formateur et de ses complices, le manuel dans lequelles ministres improvisés puisaient leurs enseignements. Le Moyen-Age avait sans doute ri des moines et des clercs, la verve gauloise avait trouvé dans ce sujet une mine inépuisable, mais de telles plaisanteries, souvent injustes, toujours déplacées, avaient diminué le respect sans por- ter atteinte à la foi ; au xvr3 siècle, on badinait aussi, mais sous l'éclat de rire il y avait la grimace de l'apostat, et la haine du sectaire empoisonnait l'épigramme joyeuse. Le Père Humblot en fit une expérience qui tourna, grâce à son sang-froid et à son habileté, à la confusion des hérétiques et à la gloire de sa vertu. Après une journée de marche, revenant de Toulouse, il entra dans une auberge du Languedoc, harassé de fatigue et trempé de pluie. Le moine s'approcha du feu pour faire sécher ses vêtements ;. il avait fort piteuse ap- parence avec sa robe souillée d'eau et de boue, sa pauvre besace, son bâton et sa maigre figure. Bonne aubaine pour les plaisants du lieu ! Ils commencent à rire et à se moquer du passant qui les écoute sans rien dire. Quatre huguenots devisaient à une table voisine avec un de leurs ministres ; ils furent les plus hardis et crièrent le plus fort ; les verres se vidaient, mais leur esprit paraissait inépuisable. Les papistes sont mis en cause, leurs su- perstitions jugées de haut, les moines tournés en déri- sion, traités de fainéants et de malpropres. L'inconnu écoute sans mot dire les plaisanteries que sa présence a provoquées et laisse passer les invectives