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LA BATAILLE DE NËZIB 183 Par malheur pour la France, la fuite le sauva. « Nous fûmes réduits à continuer notre route avec nos chevaux fatigués, dit-il dans ses Lettres sur l'Orient, sorte de mémoires où il raconte avec beaucoup de prudence et de diplomatie le rôle joué par lui dans cette affaire, nous poursuivîmes notre marche le lendemain, sans nourriture pour nous, sans avoine pour nos montures et, vers le soir, nous arrivâmes sur les bords d'un ruisseau, à quatre lieues de Marach, où l'on trouvait au moins de l'eau et de l'herbe. » Les autres officiers prussiens avaient dispara en même temps que le célèbre baron ; ils avaient fui vers les gorges du Djaourdaghi, un contrefort du Taurus, et, comme le reste de l'armée, ils cherchaient, dans les défilés de la montagne, un refuge et un abri, pendant que la première et la seconde brigade d'infanterie égyptienne les poursui- vaient et que la cavalerie sabrait dans toutes les direc- tions les fuyards qu'elle atteignait. La journée était brûlante, tous les fronts ruisselaient; mais les soldats égyptiens ne pouvaient songer à leurs fatigues ; ils avaient la victoire, le triomphe et, avantages qu'ils savouraient plus que les vaines fumées de la gloire, le camp était mis à leur entière disposition; Ibrahim leur abandonnait toutes les richesses des Ottomans. L'enivrement de tous fut au comble. Nègres et fellahs, Arabes et Syriens se ruèrent sur les immenses dépouilles qui tombaient sous leur main ; les Hanadès chargèrent leurs chevaux pour enrichir leur tribu. Tous accla- maient la générosité égyptienne, le grand cœur et la bravoure de leurs chefs ; les noms inséparables de Soli- man et d'Ibrahim étaient mis au dessus de ceux des plus grands héros. Cependant, on mit de l'ordre dans le pillage ; on ré-