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120 LA BATAILLE DE NÉZIB Les Bachi-bozouks, lancés en reconnaissance, vinrent confirmer la nouvelle. Les Egyptiens se retiraient ! Où allaient-ils ? leur retraite était-elle une ruse pour faire sortir les Ottomans de leurs retranchements et les attaquer ensuite en rase campagne ? Si les Africains se retiraient réellement, fallait-il les laisser rentrer tran- quillement en Syrie sans les poursuivre? Les avis étaient ouverts et les conseils les plus divers étaient déjà donnés, lorsqu'on vit un événement prodigieux. Les Egyptiens avaient quitte' leur camp, au point du jour, traversé de nouveau le village de Mezzar du levant x au couchant, tourné la montagne de Beïazar, et mainte- nant, ils revenaient vers l'armée ottomane, et le Danube, du couchant au levant, en appuyant vers le midi, et se di- rigeant sur le village de Cordikala où ils n'avaient par l'air de vouloir s'arrêter. Quelle était donc cette manœuvre inouïe d'une armée qui tourne autour d'un camp retranché, marche tout le long du jour, en prêtant le flanc à l'ennemi et en offrant une occasion unique de se faire couper et anéantir ? C'était une idée. deSoliman, trait de génie si elle réus- sissait; œuvre de folie, si elle échouait; mais Soliman était sûr de lui et il communiquait a toute l'armée une confiance et un entrain qui se faisaient sentir du géné- ralissime au dernier soldat. En voyant les positions imprenables des Turcs, So- liman avait dit : — Tournons leur camp. La colline est fortifiée au cou- chant, du côté où ils nous attendent. Passons, au levant. — Mais, s'ils nous attaquent dans notre marche de flanc ? disaient les généraux surpris. — Nous prendrons nos précautions, répondait gai- ment Soliman ; mais je les connais, ils ne sortiront pas de leurs retranchements.