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                  LE TÈNEMENT DE THUNES                 93

    Sur les bords de la Saône, les rochers de Bourgneuf
  surgissent à pic et servent de premières assises à la
 montagne de Fourvière. Ils se terminent en un méplat
 étroit, allongé, irrégulier, dont une partie est occupée
 par les bâtiments et les dépendances du couvent des
 Carmes-Déchaussés, vulgairement nommés Carmes-Dé-
 chaux.
    Ces rochers crevassés, sillonnés de profondes anfrac-
 tuosités, aux reflets métalliques, aux festons de ver-
 dure ; les vieilles maisons accroupies à leur pied ; la
 statue de l'Homme de la Roche abritée sous une grotte,
 d'où s'échappent de légers lilets d'eau ; la vénérable
 église de Saint-Paul, qui sous les vêtements que chaque
 siècle lui a imposés, laisse cependant soupçonner son
 style primitif; la gare et le tunnel du chemin de fer de
Montbrison ; le quai, le cours de la Saône aux contours
gracieux; des villas de plaisance, surtout ce couvent aux
lignes simples et pures, à l'élégant clocheton, aux ter-
rasses en arcades ; ces arbres, ces jardins suspendus,
de superbes perspectives sur la ville, les antiques débris
de l'aqueduc romain auxquels sont adossés les pavillons
du restaurant Gay, et pour diadème, la Vierge Immacu-
lée de Fourvière dont les tons dorés resplendissent aux
rayons du soleil : tous ces éléments, disons-nous, con-
courent a faire de cet ensemble un tableau empreint
d'une sublime poésie pittoresque ; c'est un paysage en-
levé à l'Italie et encadré au sein de notre ville bien-ai-
mée, déjà si riche en beautés de ce genre.
   Ce couvent, assis dans une position si avantageuse,
fut fondé en l'année 1617, sur un tènement acheté à la
famille des Scarron, par Philibert de Nérestang, en
faveur de l'ordre des Carmes-Déchaussés ; ce seigneur
le dota, en outre, d'une rente pour l'entretien de huit