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34 LA BATAILLE DE NEZIB
« Non-seulement, répliqua le vice-roi, je retien-
drai Akhmet ici, mais je rappelerai immédiatement
Ibrahim et son armée, si vous pouvez me garantir que
les Turcs ne feront pas un pas de plus vers ma frontière.
Alors le consul triomphant présenta au vice-roi une
dépêche; c'était une lettre de l'amiral Roussin qui
annonçait, qu'au nom de la France, il avait obtenu du
sultan une promesse de paix : « La France a parlé, di-
sait la lettre en finissant, elle a été écoutée. Veuillez
donner la plus grande publicité à ma dépèche. »
Le consul ne doutait pas qu'après de telles paroles,
tout ne fût définitivement terminé.
Méhémet Ali réfléchit un instant.
« Vos lettres, dit-il au consul d'Autriche, qui était
présent,vous donnent-elles pareille assurance et, comme
votre collègue, pouvez-vous me garantir la paix? »
Sur la réponse négative du consul autrichien, le vice-
roi leva la séance en disant qu'il savait très-bien ce qui
se passait à Constantinople et que la plus simple pru-
dence lui ordonnait d'agir.
L'instant d'après, le ministre de la guerre partait pour
Alep où il arrivait en neuf jours ; la paix n'avait plus
de chance pour elle. La parole était désormais au canon.
Mais cette pression incessante des consuls sur les
actes et les pensées du vice-roi n'était pas le seul souci
qui vint l'assiéger ; le prince prévoyant n'était pas sans
pressentir d'autres dangers et sans apercevoir d'autres
points noirs dans son horizon ; c'est ce qu'il exprimait
avec énergie, quand il répondait à ses intimes qui re-
doutaient quelques complications venues de l'Occident:
« Les puissances de l'Europe ? je les tiens dans ma
tabatière. Ce sont ces maudits Syriens qui me tour-
mentent ; ils seront la cause de tous mes malheurs. »