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46 VICTOR DE LAPRADE Pour parler de Jésus, s'il faut avoir souffert, Peut-être en suis-je digne ! » Ainsi, pour qui réfléchit, non-seulement les « Poèmes Èwngèliques » ne sortent point du cadre poétique de l'au- teur des « Odes » et des « Symphonies », mais ils sont au contraire comme la suite naturelle de ces chants. Le senti- ment et le goût de la souffrance que dénotait dans le r>oèle sa recherche ardente, maladive, si vous voulez, des déserts, ne devaient-ils pas l'amener aux pieds du divin martyr, et comment les impressions profondes et constan- tes nées de ses méditations solitaires au milieu des ferêts toutes remplies d'un pieux silence et d'une solennelle majesté, sur les montagnes aux sommets voisins du ciel, en face d'une nature dont les beautés attendrissent le cœur autant qu'elles transportent l'âme, ne l'auraient-elles pas jeté dans les bras de Celui qui connut le mieux la folie de l'amour? La solitude conduit a la méditation, la méditation à la prière et la prière a Dieu. De même, de la contemplation découle le sentiment, du seniiment l'amour, et l'amour mène encore à Dieu. Mais pour un cœur ainsi façonné, ainsi pétri, Dieu est un être trop abstrait, trop immatériel, trop lointain. Jésus est la vision de Dieu sous la forme de la beauté, avec un visage que l'on voit sourire, avec un cœur que l'on voit battre, avec des regards que l'on surprend voilés de larmes. Il lui faut Jésus. Et voilà comment le poète a été conduit vers Jésus. De quelle manière a-t- il envisagé cette douce et miséri- cordieuse figure du fils de Marie ? Qu'il me soit permis d'ex- primer ici un sentiment tout personnel que, sans aucun doute, beaucoup ne partageront pas, mais dont je ne puis me défendre, malgré toutes les objections par lesquelles j'ai