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JEAN-P1EURE BRUYÈRE. 287 bibliothèque d'Alexandrie, malgré ses vertus, malgré son éloignement, son alibi, qui devait garantir son innocence, l'a bien appris à ses dépens. ' A Lyon, car c'est de notre ville que nous devons nous . occuper exclusivement, le livre a donné des auteurs célè- bres, des imprimeurs fameux, des collectionneurs illus- tres, et parmi ces derniers Grolier, Adamoli, Rast, Ruolz, Coulon, Brolemann, Yemeniz, Coste, Cailhava; enfin des relieurs dignes d'être opposés aux artistes de tous les lieux et de tous les temps. Si, ce qui est probable, Grolier a fait relier à Lyon tous ou quelques-uns de ses admirables volumes aujourd'hui sans prix, il est douloureux de ne pouvoir proclamer le nom des artistes de génie qui lui ont prêté leur concours. Force, élégance, goût, richesse, il| ont tout prodigué; mal- heureusement leur modestie leur a fait perdre toute la gloire à laquelle il avaient si justement droit. Les bibliothèques célèbres de Lyon, les collections Coste, Yéméniz, Brolemann, Cailhava, toutes, aujourd'hui dispersées, pouvaient, sous le rapport des éditions pré- cieuses et des vêtements hors ligne, rivaliser avec les plus belles; leurs livres habillés par les Bozonnet, les Cape, les Kœhler, les Duru, brillaient comme des bijoux; mais Paris n'avait pas le monopole de leur fournir ces splen- dides reliures. La plupart ne venaient pas du dehors, c'était à Lyon qu'elles étaient nées ; c'était à Lyon que nos bibliophiles passionnés avaient trouvé un artiste digne d'eux et capable de satisfaire largement à leurs désirs les plus dispendieux, les plus élégants, les plus difficiles. Pendant trente ans, Jean-Pierre Bruyère, qui eût brillé d'un éclat européen et qui eût acquis gloire et fortune s'il eût voulu habiter Paris, pendant trente ans Bruyère a tra- vaillé modestement, simplement, seul, dans sa famille, à Lyon, prodiguant, les richesses de son imagination et de son goût, produisant des chefs-d'œuvre pour les érudits lyonnais qui le connaissaient et l'appréciaient, et admiré