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BIBLIOGRAPHIE. 157 Les historiens ayant fait de telles excursions dans les jardins des poètes et des romanciers, il n'est pas étonnant que les romanciers et les poètes se soient précipités sur les domaines de l'histoire. Les anciens ne se sont pas gênés, les modernes encore moins. Victor Hugo, Dumas et leurs amis ont couvert de ridicule et de honte les. plus grands noms, pour se donner, par contre, le plaisir de glorifier et d'encenser les plus tristes êtres dont nos chroniques aient gardé le souvenir. A notre époque, où les études sérieuses sont d'une di- gestion trop difficile et trop lourde, le roman fleurit avec un rare succès. Wal ter-Scott, Cooper, Mayne-Reid ont. ouvert la porte à Ponson du Terrail et consorts et, ma foi, tout y a passé.' On n'est plus tenu même de connaître l'histoire, la géo- graphie, les moeurs et les coutumes d'un peuple. Pourvu qu'on étonne et qu'on amuse cela suffit. Jamais on n'a été mieux disposé à redire avec le bon Lafontaine : Si Peau d'âne m'était conté, J'y prendrais un plaisir extrême. Pas de journal aujourd'hui .qui ne serve à ses lecteurs un feuilleton pour la confection v duquel le savoir d'un collégien n'ait été largement suffisant. Voici cependant une œuvre qui, pour être de la famille des romans, n'en est pas moins beaucoup plus proche parente de Quentin Durward que de la Femme de feu. Le Page du baron des Adrets n'est pas exempt du péché originel. Il y a bien, par ci par là , des aventures peu ordi- naires ; le terrible baron des Adrets se livrant à un aven- turier et faisant, avec lui, de la magie dans les souterrains de l'île Barbe ou dans le palais du Louvre, me semble jouer un rôle un peu léger, mais on ne peut refuser à ce joli volume, qui vient de paraître à Lyon, une attention que la presse, les yeux toujours tournés vers Paris, ne lui a pas encore assez sérieusement accordée. En attendant que les grands journaux s'en occupent, nous allons esquisser l'histoire que M. Antonin Thivel a brodée, en y intercalant les personnages les plus connus de nos malheureuses guerres de religion. Une jeune fille d'une des vieilles familles du Lyonnais, sacrifiée en faveur d'un frère qui doit rester unique héritier des biens paternels, est mise dans un couvent du Dau- phiné. Les Huguenots s'emparent du couvent et l'incen- dient. Un soldat prend pour sa part la jeune fille, qui est délivrée et sauvée par le baron des Adrets qu'elle implore.