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466 UNE ARRESTATION EN DAUPHINÉ. dix-huit ans, était tout à la fois une grande perfection et une ravissante miniature ; elle était fraîche, légère, jolie à faire plaisir, fantasque et coquette à faire peur, folle et étour- die comme un pinson qui s'échappe de sa cage, et cepen- dant malgré cela, fausse, oh! fausse comme un diplomate à béquilles. Adorable en un mot, car, quoique l'on puisse dire en faveur de la franchise, ce n'était nullement la passion de M. le duc, et je gagerais volontiers qu'il avait par hasard rencontré la femme qu'il avait rêvée toute sa vie. Quant à la place, je n'oserais dire la même chose, car il avait dû en rêver une meilleure, celle qu'il avait obtenue n'étant qu'un imperceptible gouvernement, grand comme un département du royaume d'Yvetot tout au plus, puis si loin de la capitale des Espagnes. ! Oh! quand il faut tant voyager pour les aller trouver, les gouvernements de- vraient s'étendre en tous sens comme des taches d'huile, ' et ne pas s'amuser surtout à ressembler à une tête de clou fichée sous le talon de l'immense botte que l'on appelle Italie. Cependant, dès qu'il fut échu à M. le d u c , comme ce petit pays était perdu dans les espaces et que ceux qui l'avaient traversé n'en avaient pas plus parlé que de juste, M. et M rae de Gaétan purent en raconter mille mer- veilles ; ce n'était, dans ce véritable Eden, que grands et petits vassaux, donjons, châteaux-forts et palais en- chantés ; hélas ! pourquoi fallut-il, faute d'argent, finir par y aller et laisser de si délectables rêves pour des réalités si médiocres ? Comme la mer eût horriblement fatigué Mra0 la duchesse qui ne pouvait seulement en supporter la pensée, M. le duc fut obligé de prendre la voie de terre, et de se procu- rer tant bien que mal un sauf-conduit pour traverser la France, avec laquelle l'Espagne se trouvait malheureuse- ment en guerre. Il paryint à se procurer un papier qui n'en avait que