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L'ORDRE OU MOMENT. 183 dîner ; en rédigeant les statuts on avait prévu tout cela ; il y avait des punitions infligées aux coupables avec un cé- rémonial digne des parfaits troubadours. Dans une lettre datée de 1768 et adressée à Mme Pascal, je trouve cette plaisante historiette : « Vous connaissez Mme Saint-S***, la mère de cette de- « moiselle blonde dont les cheveux pleurent toujours ; « vous connaissez la vivacité de la mère et la froideur « de la fille. Il faut que je vous raconte ce qui s'est passé « la semaine dernière, à la soirée de Mm0 la baronne de « c «* ( Mme Saint-S*** a été l'héroïne de la fête, M. de » L****, toujours aimable, a demandé à la société : Qu'est- « ce qui plaît le plus aux dames ? Chacun a dit son mot « sans deviner; alors M. de L***,a prétendu que Voltaire « seul avait su résoudre le problème : C'est, a-t-il dit, de « leur laiser faire, en tous temps, en tous lieux, ce qui « leur plaît, autrement leur volonté... Alors Mme Saint- c S*** a répondu avec mauvaise humeur : Taisez-vous, e « Monsieur, Voltaire savait beaucoup mieux ce qui plai- « sait au roi de Prusse que ce qui plait aux dames. M. de « L*"*, en galant chevalier, s'est incliné sans rien dire, « mais a froncé les sourcils. Ce taisez-vous, monsieur, « est une impolitesse qui a répandu la froideur sur toutes « les figures. Il aété question, pendant quelques heures, « de rayer le nom de Mme Saint-S*** de l'Ordre du Mo- « ment, mais comme la grande maîtresse l'aime et l'es- « time beaucoup, il a été convenu qu'on lui infligerait « seulement la pénitence. » Mme Gardon-Pascal a écrit sur la page blanche de la lettre le cérémonial que je transcris. Avait-elle peur d'en oublier les détails ? a-t-elle voulu les transmettre à la postérité? Je l'ignore,mais je trouve qu'elle a eu une heu- reuse pensée.