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                 LES CHASSEIJUS DE IIKNNES.              253

 tous ces malheureux, maigres, noirs, infirmes, repous-
 sants, ayant à peine conscience de ce qui se passait au-
 tour d'eux, et dont on venait troubler le dernier repos !
    Notre camp retranché occupait la pointe du Rocher
 que j'ai décrit précédemment. Il avait donc la forme d'un
 coin, défendu à sa partie la plus aiguë par de formida-
 bles escarpements et accessible d'un côté seulement
 à l'est, par une pente assez douce, que nous coupâmes au
 moyen d'un fossé doublé d'une solide palissade. Les bois
 des huttes furent employés à cet ouvrage ; en sorte que
 nous fûmes réduits à camper à la belle étoile ou à peu
près.
    I-ka-eh avait établi son gourbi à l'extrême pointe, d'où
l'on dominait toute l'étendue du campement. C'est de là
 aussi que je comptais surveiller les opérations et donner
mes ordres. Les femmes, les enfants et les vieillards
 s'étaient groupés devant nous. Enfin les hommes en état
de combattre gardaient le rempart improvisé sur notre
front de bandière.
    Le Rocher avait pris l'aspect d'un pont de vaisseau
encombré d'émigrants. Debout vers la pointe, comme un
commandant à la proue de son navire, je contemplais les
abîmes béants qui s'ouvraient à nos pieds. Des brouillards
comme il en vient après les grandes pluies, remplissaient
les vallées sans s'élever jusqu'à nous ; en sorte qu'éclai-
rés par la lumière rasante du matin et vus d'en haut, ils
donnaient véritablement l'illusion d'une mer agitée, dont
les flots soulevés par le vent venaient parfois retomber
par dessus nos bordages. Çà et là émergeaient quelques
pointes de montagne, les sommets de laGrange-du-Bois,
de Monsard, le pic de Vergisson, le Mont-de-Pouilly,
formant comme autant d'îlots, et la Bresse s'étendait à
l'infini, perdue dans les brumes de la pleine'mer. Un ciel