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210 CLAUDICS SOULARY. Le Portrait de Soulary, le Chevreau expirant, une Tète de vieillard en extase, des Baigneuses dans un grand paysage, une Barque de pêcheur qui chavire, un Vieux mendiant et sa petite fille, quelques bonnes têtes d'étude, sont, à des degrés divers, les meilleures choses qu'il ait faites dans notre ville ; elles suffisent pour faire apprécier ce que j'ai dit de ses qualités et de ses dé- fauts. Comme professeur, il savait que la peinture est oeuvre de sentiment; son enseignement,loin d'être exclusif, lais- sait chacun suivre ses tendances naturelles. Ses conseils judicieux n'avaient pour but que d'empêcher de faire fausse route. Il s'attachait d'ailleurs à ses élèves et leur communiquait le feu sacré qui était en lui. Si sa suscepti- bilité, trop ombrageuse, lui rendait parfois l'humeur iné- gale, la bonté de son cœur le ramenait toujours. Il a conservé jusqu'à la fin le goût de son art, il n'en avait jamais mieux raisonné que depuis qu'il ne pouvait plus peindre, il ne se lassait pas d'en parler. Nous l'a- vons vu, mes collègues et moi, verser de grosses larmes en contemplant ses pinceaux dont il ne pourrait plus dé- sormais se servir. Et lorsque mourant dans toute sa luci- dité, il reçut les consolations de la religion, il disait à l'une de ses jeunes parentes : « Combien tu m'as aidé à souffrir, ma chère enfant ! Ainsi agenouillée près de moi, je voyais, en toi, l'ange de la prière. » A cette heure su- prême il conserva donc l'instinct poétique qu'il avait eu toute sa vie. Il est mort en homme de cœur et en artiste, tournant sa pensée mourante vers son art, vers sa fa- mille et ses amis et surtout vers le Dieu qui allait le re- cevoir dans une vie meilleure. Puissions-nous retenir de l'existence que je viens de raconter aussi simplement et aussi impartialement que je