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182 LES RICHESSES DE M. ALEXIS.
montre dans le lointain. Dans ces groupes, fièrement rendus,
tout est vie, mouvement, énergie; les chameaux, les éléphants
suivent ces peuples Africains, qui vont à la conquête de l'Italie.
Leur présence au milieu de soldats demi-nus donne une couleur
étrange à cette composition.
« Sur l'attique de la façade de la Saône, cette lente rivière est
représentée à moitié endormie dans une attitude de calme et de
mollesse. Plancus est arrivé avec les Viennois. L'emplacement de
la ville est choisi. C'est là qu'on doit s'arrêter. Les groupes sont
disposés avec symétrie et mesure, la sérénité règne sur les visa-
ges. Les légions romaines, les Gaulois et les colons vont com-
mencer leurs travaux. On fait des sacrifices aux dieux. Tout
respire, dans ces groupes en repos, une profonde et superbe
tranquillité.
« 11 ne fallut pas un homme ordinaire pour trouver et rendre
cette grande composition. L'auteur dut avoir un mouvement d'or-
gueil en contemplant l'œuvre qu'il venait de jeter sur le papier,
et il dut tourner ses regards vers l'avenir en pensant à la gloire qui
allait rejaillir sur son nom. Maintenant une chose nous inquiète,
nous chroniqueur naïf. Toute peine mérite salaire; si le prêtre
vit de l'autel, l'homme de génie doit vivre de sa pensée, comme
le manœuvre de son travail. Nous ne savons pas si Epinat fut
payé de son idée; c'eût été simple justice. Dans tous les cas,
celle-ci ne fut point exécutée. »
Il n'y avait pas d'erreur possible. C'était bien le croquis, la
pensée d'Epinat que j'avais sous les yeux, croquis perdu, cro-
quis égaré, croquis non payé sans doute et vendu probablement
par les héritiers du malheureux peintre à quelque marchand de
bric à brac. M. Alexis, avec son tact exquis, avait rencontré et
s'était empressé d'acheter ces deux grandes compositions sans
nom, mais portant le cachet du génie, mais ni lui, ni MM. Lays
et Brun, ni nul de leurs amis communs n'avaient jamais su à quel
pinceau on devait cette œuvre hors ligne. Epinat ayant surtout
travaillé en Italie, et pour l'Angleterre, son faire est peu connu
de nos artistes et on n'avait pas pensé à lui attribuer ces deux
sujets si éminemment lyonnais.