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1-32 LES CHASSEURS DE RENNES. Le malheureux animal poussait des cris atroces; sa toison crépitait et brûlait en longues flammes. Mais son supplice ne fat heureusement pas long: la fumée l'as- phyxia en quelques minutes. C'était, comme je l'ai dit, un énorme mammouth, de l'espèce boréale, velu et armé de longues défenses recour- bées, plus grand et plus fort que tous ses congénères d'Asie ou d'Afrique. Nous ne pouvions emporter une aussi lourde proie. On laissa dix hommes pour la garder, et nous remontâmes au village afin de leur envoyer un renfort. — Je crois, me dit I-ka-eh, que votre présence nous porte bonheur. Nous voici approvisionnés pour longtemps. Et cependant, le gibier devient rare. Les vieillards pré- tendent que le climat s'est réchauffé, et que les rennes ne peuvent plus vivre l'été dans nos régions. Le fait est qu'ils n'y séj ournent plus et qu'ils émigrent par grands troupeaux pour revenir en hiver. Il faut, chaque année, que les jeunes hommesdelatribupartent à leur poursuitependant quatre ou cinqlunes. Je me souviens d'une expédition de ce genre que je fis avec mon père. Nous marchâmes droit devant nous, jusqu'à ce que nous rencontrâmes une grande mer ; j'en ai rapporté les coquilles que vous avez vues. Nous ne pûmes regagner le village qu'à grand peine. Quelle vie de misères! La lune dernière, nous avons tous failli mourir de faim. Heureusement qu'une pluie torrentielle survint, que les eaux débordèrent et que nous pûmes recueillir le long des rivières les bêtes noyées, dont nous fûmes réduits à faire notre nourriture. Adrien CRANILE, A continuer.