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350            LE PAGE DU CAUON DES ADRETS.

faire rentrer l'armée dans ses quartiers. Quant à lui, sui-
vi du seul Blancon, il longea la Saône, passa sous
Pierre-Scize sans s'arrêter, suivit les rues de la Peyrolle-
rie et du Sel et, pénétrant dans le cloître de Saint-Jean,
il entra dans le palais du Gouverneur.
    C'était une position singulière et pénible que celle
d'un général victorieux blâmé par ses chefs et obligé
de venir rendre ses comptes à un envoyé muni de pou-
voirs. Celui qui avait dominé jusque-là, celui qui avait
disposé de la vie et des biens de tous venait subir les
remontrances d'un muguet de la cour, entendre ses con-
seils, et recevoir une distribution insultante de blâmes,
d'avis et d'encouragements.
    Beau mont se voyait dépossédé de son gouvernement;
il sentait que le pouvoir lui échappait, que ce capi-
taine, envoyé par Condé, serait désormais un maître ou,
qui pis est, un espion. Il entra dans la salle où il était
attendu, avec toute la violence d'un homme outragé qui
va rendre insulte pour insulte, et son geste provoquant
apprit au duc tout le danger qu'il y aurait à exaspérer
l'homme couvert de poussière qu'il avait devant lui.
    Mais Soubise avait fréquenté la cour, il avait la con-
naissance du monde, la ruse des diplomates, la sou-
plesse qu'on acquiert dans la fréquentation des grands.
Au moment où Beaumont mettait le pied sur le seuil de
la pièce, il courut à lui et l'embrassa.
    — Voilà donc l'espoir des prolestants, s'écria-t-il,
l'appui delà Religion, la terreur des papistes. Messieurs,
dit-il à un groupe d'officiers qui l'entourait, voici le héros
qui fait pâlir la gloire de nos meilleurs capitaines. L'his-